Les rites du veuvage chez les NAWDA au Togo
Comprendre les rites du veuvage chez les Nawda
Après le décès de mon papa, le 05 Août 2018. Il y avait des polémiques autour du lieu de son enterrement. Et cela a éveillé ma curiosité. Car pour moi, cela ne changeait absolument rein au fait qu’on l’enterre ici (la localité où nous habitions tous) ou ailleurs c’est-à-dire à Niamtougou, dans son village natal. D’autres membres de la famille voulaient qu’on fasse l’enterrement dans la localité où ils vivaient avant son décès et d’autres préconisaient qu’on ramène le corps au village. C’est-à-dire là où il a vu le jour et a grandi.
En effet mon père est né un 04 août 1969 dans un village à Niamtougou au Nord du Togo et est Nawda de KOKA selon ses origines. Ma mère elle autre est Nawda de SIOU. Donc étant donné qu’on attribue l’origine du père à ses enfants, je suis Nawda de KOKA comme mon père.
Déplacé un corps de la ville d’Adétikopé (ville située au Sud dans la région maritime au Togo) jusqu’au Nord paraissait difficile, vu qu’on évaluait les coûts de déplacement en voiture de tous les membres de la famille sur une distance de plus de 400 kilomètres. Moi particulièrement, je suis née au Sud dans le village d’ASSAHOUN dans la ville de Kévé au Togo. J’ai donc grandi en ville loin de mon village. Aller donc au village était pour moi la deuxième fois, car j’y ai été avec la maman quand j’étais encore plus jeune. Et selon elle on m’avait ramené aussitôt à cause d’un triste et mauvais épisode. C’était une histoire d’envoûtement.
La mort du papa me ramenait donc à mes origines. Et c’est après l’enterrement que j’ai saisi le sens des traditions de mon village et de l’importance qu’elles avaient dans la vie de tous les Nawda même si certains l’ignorent encore. Histoire que j’essayerai de partager avec d’autres afin qu’il sache que quoi qu’on dise ou quoi qu’on fasse, les traditions auront toujours une place incontournable dans nos vies. Et cette place, demeurera toujours. Et les négliger ne ferrai que nous attirer des forces qui dépassent notre entendement.
Origines des Nawda
Les Nawda encore appelé Naoudemba ou « Losso » appartiennent à un groupe ethnique vivant au Nord du Togo, plus précisément dans la préfecture de Doufelgou (Niamtougou).
A l’intérieur de ce groupe ethnique, on retrouve environ six communautés qui sont : BAGA, SIOU, TENEGA, KONFAGA, NIAMTOUGOU, KOKA.
L’origine de ce peuple ne reste encore pas toute précise. Néanmoins ils existent des hypothèses : Une qui décrit les Nawda comme un peuple qui serait descendu du ciel et d’autres historiens qui soutiennent qu’ils seraient venus du Soudan mossi, au début du 17ème siècle.
Dieu dans la pensée du Nawda
Ayant une religion essentiellement basée sur le monothéisme, les Nawda croient en l’existence d’un dieu (SAGBANDE) suprême le tout-puissant. Certains Nawda s’ouvriront à d’autres religions monothéistes qui sont spécialement le christianisme.
La mort dans la pensée Nawda
Les Nawda accordent une grande importance à la vie qu’à la mort. La mort et la vie dans la pensée Nawda sont contraires dans la mesure où la vie est pour les Nawda une bénédiction. Et la mort une malédiction. Pour cela on ne doit pas mélanger les vivants avec les morts. C’est dans cette perspective qu’ils pratiquent un rite de purification afin d’établir des limites entre les vivants et les morts. C’est ce type de rite que subit par exemple un conjoint vivant après avoir perdu sa moitié.
Kumfoga ou veuve : Etymologie
Kumfoga est un mot composé de deux mots. KUM qui a comme signification la mort, et FOGA qui a comme signification la femme. Le mot KUMFOGTE par ailleurs désigne l’état, c’est-à-dire celui de la veuve.
Les étapes du veuvage chez les Nawda
Étape 1 : L’entrée en veuvage
Il est à noter que tout commence après l’enterrement du défunt ou de la défunte. La veuve prend un bain dit bain de purification constituant ainsi l’entrée en veuvage. Ce bain est pris soit dans un petit ruisseau ; soit sur la cour de la maison funèbre et au dépotoir. La veuve est toute nue au moment du bain et doit se conformer aux injonctions des femmes chargées de lui faire prendre le bain. Après le bain, la veuve ou le veuf rentre à la maison, où on lui fait boire du TOUKOUTOU (Boisson locale à base du Sorgho) et une bouillie qui constituera durant toute la cérémonie son nouveau repas pendant l’épreuve qui durera trois jours pour les femmes, et quatre s’il s’agit de l’homme.
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Étape 2 : La cérémonie du BO’ OGO DJITGNEM (la coupure de cache-sexe)
Après le bain, la veuve est reconduite au dépotoir où elle subit les rites relatifs au cache-sexe. On fait porter à la veuve un cache-sexe fait à base de certaines feuilles. La cérémonie ne dure que quelques instants puis le cache sexe est brûler au dépotoir. Cela voudrait dire que la veuve qui a longtemps gardé son intimité pour son mari défunt est maintenant libre et qu’elle pourra se remarier après les cérémonies de la sortie de veuvage si elle le désir.
Après cela on enduit la veuve d’huile de palme fabriquée à la maison et suivant les méthodes traditionnelles. Et ensuite on l’habile d’un pagne noir et on l’introduit dans une chambre où elle logera désormais. Ce rite d’entrée est le Dougun Dibm qui veut dire « L’entrée dans la chambre ». Désormais la seule pommade utilisée par la veuve est l’huile de palme.
Étape 3 : La cérémonie du DJUKPABE (rasage de la tête)
Le rituel du rasage de la tête marque la fin des cérémonies de purification. Et cela se fait trois jours après l’enterrement quand il s’agit d’un homme et quatre jours après quand il s’agit d’une femme. On procède donc au rasage complet de la tête du veuf ou de la veuve. Après cela, la veuve est à nouveau induite de l’huile de palmiste et reconduite à la maison avec une tige de bambou en mains et à la tête une calebasse.
Elle porte à sa taille une perle constituée d’herbe appelée « Obermu ». Elle se déplace de façon lente, une brindille à la bouche, tête baissée et en suivant les instructions de sa marraine. Et c’est elle qui va lui apprendre les comportements à adopter. Il est à noter que pendant le rite, la veuve ne devra pas boire dans n’importe quelle calebasse, autre que celle prévue pour elle. Et avant de manger ou de boire, elle devra toujours se laver les mains.
Étape 4 : Les cérémonies d’initiations aux travaux
Quelques mois après l’enterrement, on procède à une cérémonie. Une cérémonie en vue d’une obtention de permission aux aïeux.
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Pour permettre à la veuve de vaquer à ses occupations habituelles. C’est le WERIBE (enseignement). On pose sur la tête de la veuve une houe et on la conduit au champ où elle creuse le sol à trois coups de houe. Après cela on lui tend un coupe-coupe. Avec ce coupe-coupe, elle essaye de couper un arbre de trois coups de coupe-coupe. La veuve peux ainsi donc vaquer librement à ses occupations habituels.
Étape 5 : Initiation au Yakun Kéna
La veuve est conduite (Elle se déplace toujours de façon lente, une brindille à la bouche, tête baissée) au marché, torses nus avec sa calebasse et on l’installe à un endroit afin que tous ceux qui passent lui témoignent sympathie et charité en y mettant dans la calebasse quelques pièces.
Étape 6 : Cérémonies du GBINTEKEM ou la sortie de veuvage
A ce niveau, on procède au rasage de la tête de la veuve. Après cela, on procède au changement de vêtement de la veuve.
Il est à noter que trois jours après l’enterrement du défunt (Homme), on procède au rasage complet de la tête de ses enfants. Mais ce procédé est de quatre jours après l’enterrement quand il s’agit d’une défunte (Femme).
Les rites relatifs au veuvage en pays Nawda ne durent plus longtemps de nos jours, car les hommes et femmes du monde actuel ne supportent pas les contraintes de ce rituel. Et cela est en parfait changement. Les cérémonies du veuvage d’autres fois ne sont pas celles d’aujourd’hui. Toutes fois, ils reconnaissent la valeur ou l’importance de ces rites pour un veuf ou une veuve. Les cérémonies ne sont pas facultatives. Elles doivent être faites, car selon les informations reçues de part et d’autres, il y a des retombées négatives si les cérémonies du veuvage sont négligées.
Mon avis sur le veuvage chez les Nawda :
Mon séjour à Niamtougou m’a permis d’ouvrir les yeux sur un certain nombre de choses. D’un point de vue personnel je pense que certains perçoivent ces rites comme des frivolités et cela est une conséquence de l’influence énorme qu’ont nos sociétés modernes nous. Pour moi l’important à retenir serait que, nous tous provenons d’un village et d’un groupe ethnique. Nous avons tous une origine et une histoire à relayer. ce n’est pas parce que nous sommes né.e.s dans une localité différente que nous pouvons facilement les négliger.
Chaque peuple ou groupe ethnique a une origine, une histoire que nous devons connaître. Et chaque parent a l’obligation de transmettre les us et coutumes de son peuple à ses enfants afin que ces derniers soient informés sur ce que l’on doit faire et sur ce que l’on doit éviter, de peur de s’attirer des ennuis qui dépassent notre entendement. En pays Nawda, faire les rites du veuvage consiste à séparer un conjoint mort, d’un autre vivant. Refuser de se soumettre au rite, c’est accepter vivre avec votre conjoint.e. décédé.e.
Quelqu’un qui refuse de faire le rite du veuvage, sentira son conjoint mort, toujours à côté de lui. Même si vous vous remarier, votre mariage ne marchera pas car tu auras le sentiment d’avoir toujours ton conjoint à côté de toi. En d’autres termes, tu sentiras l’esprit de ton conjoint décédé avec toi, à chaque instant comme il l’était quand il/elle vivait encore. C’est l’une des raisons pour laquelle on dit en Afrique que les morts ne sont pas morts. Ils sont dans
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