Carte d’identité au Togo: Ma mauvaise expérience

Article : Carte d’identité au Togo: Ma mauvaise expérience
Crédit: Ono Kosuki, Via Pexels
5 mars 2023

Carte d’identité au Togo: Ma mauvaise expérience

Le lundi 22 février 2023, je me suis rendu dans un commissariat de police pour faire renouveler ma carte d’identité qui était obsolète depuis octobre 2022. À mon arrivée à 10 heures précises, j’ai remarqué une foule de gens qui attendaient avec des dossiers en main. Certains étaient là pour les mêmes raisons que moi, c’est à dire renouveler leur carte d’identité, tandis que d’autres étaient présents pour se faire établir une carte d’identité pour la première fois.

Il y avait de nombreuses personnes assises sur des bancs disposés en ordre. J’ai été surpris de constater que ce qui se tramait là il y a cinq ans lorsque je me faisais établir ma carte d’identité pour la première fois n’avait pas changé d’un pouce.

Ma première fois lors de l’établissement de ma carte d’identité

En 2018 Je me suis rendu pour la première fois au commissariat pour me faire établir pour ma première fois ma carte d’identité. Et j’avais fait une remarque intéressante. En effet, lorsque vous vous rendez au commissariat pour vous faire établir une carte d’identité et que vous souhaitez être servi rapidement, vous devez connaître quelqu’un sur place ou connaître quelqu’un qui connaît quelqu’un d’autre travaillant sur les lieux.

En somme, peu importe si vous arrivez au commissariat à 5 heures du matin. La personne qui a plus de chance d’être servi en premier est celle qui a un contact sur place au sein du commissariat.

Et c’était la même scène qui se reproduisait.

Ma deuxième fois lors du renouvellement de ma carte d’identité

Le lundi 22 février, je suis allé au commissariat pour me faire renouveler ma carte d’identité. Et bien que je sois arrivé à 10 heures, il y avait des personnes qui étaient venues des 6 heures du matin et qui attendaient d’être reçues. Malheureusement, nous ne connaissions personne sur place. De nouvelles personnes arrivaient et leurs dossiers étaient traités immédiatement. Parfois, ces personnes ne faisaient que passer un coup de fil. C’est alors qu’un policier apparaît. Ils discutent un peu, puis prennent son dossier pour l’emmener immédiatement dans la pièce où les cartes étaient établies. Ils ne faisaient même pas l’effort de cacher leur pratique non conforme. Et nous, qui sommes nous alors ? Personne ? Presque tous les membres du personnel du commissariat se livraient à cette pratique injuste. J’étais là, assis et j’observais tout. C’est ainsi que j’ai attendu, patientant encore et encore.

Tout paraissait normal pour eux. Ils n’étaient même pas embarrassés et nous regardaient à travers nous comme si nous étions transparents. Personne n’osait réclamer, de peur de se faire crier dessus ou, dans le pire des cas, de ne pas être reçu du tout.

Nous étions assis là à regarder les gens se faire recevoir tandis que nous étions ignorés. C’était pénible et j’ai eu envie de pleurer. Mon cœur battait plus fort et ma respiration devenait plus forte. Je me suis dit dans ma tête : qui suis-je pour intervenir ? J’avoue que l’envie m’a pris de crier, de crier si fort qu’ils m’entendraient enfin. Mais j’avais peur des représailles si jamais je décidais de m’emporter.

Pour obtenir une simple carte d’identité, il faut avoir un contact qui puisse nous aider. J’avais honte à leur place. Eux qui n’essayent même pas de cacher leurs agissements. Ils le font à découvert. C’est comme s’ils se disaient : « Tu es chez moi ici. Si tu n’es pas convaincu, la porte est juste derrière toi ». Ou peut-être se disent-ils aussi : « Je suis policier. C’est ta parole contre la mienne. Qui es-tu pour porter des accusations contre un représentant de la loi ?

C’est incroyable de constater que rien n’a changé en cinq ans. Malgré tous les discours sur l’amélioration des services publics, rien ne semble avoir été fait pour régler ce genre de problèmes. J’imagine que des milliers de personnes dans le même cas que moi subissent le même sort chaque jour. Et le pire, c’est qu’on se sent impuissant face à cette injustice. On est censé être des citoyens, mais on se sent traité comme des moins que rien.

C’était l’heure de la pause. La reprise était donc pour 14 heures 30. Nous n’avions pas bougé d’un pouce, étant toujours là, attendant qu’un policier ait pitié de nous alors qu’on ne nous considérait même pas. J’ai vécu cette même scène il y a 5 ans, lorsque je faisais établir ma carte d’identité pour la première fois. J’étais allé à 6 heures du matin et je n’étais reparti qu’à 18 heures le soir. La demande est forte. Certes mais cela n’empêche pas à respecter l’ordre. Servir chacun selon l’heure d’arrivée.

Et notons bien que j’ai retiré ma carte qu’après trois semaines. Et c’est ainsi que cela se passe habituellement. Obtenir une carte d’identité prend généralement deux à trois semaines à compter du jour du dépôt et de la prise de photos.

Et pour tout le monde, ce n’était pas normal. Mais personne n’osait élever la voix. Ils diront pour leur défense qu’ils ne reçoivent que les personnes âgées, les femmes enceintes, les femmes portant leurs bébés, les personnes en situation de handicap… Mais c’est faux.

Je vais faire une liste brève de ceux qu’ils reçoivent en priorité, en plus de la liste des personnes susmentionnées. Pour faire court, ils reçoivent leurs amis et amies, ainsi que les amis de leurs amis. Il suffisait juste qu’une personne appelle et signale qu’il avait un de ses amis là. Aussitôt, on le reçoit.

Il fallait faire quelque chose. Et c’est là j’ai décidé de prendre les choses en main. Entre temps, un policier était sorti de la pièce et a essayé de mettre de l’ordre dans les choses en disposant les gens dans l’ordre d’arrivée. Mais aussitôt qu’il est rentrer dans la pièces car il faisait parti des personnes qui prenaient les photos, qu’a recommencées leurs manigances.

Je lui ai approché pendant la pause en essayant de lui expliquer notre situation. Je lui ai dit : « Bonsoir, Monsieur. J’ai vu que vous êtes sorti entre temps pour mettre de l’ordre dans les choses. Mais dès que vous êtes reparti, le désordre a repris. »

Il m’a coupé la parole et m’a demandé : « Maintenant, quelle est ton inquiétude ? »

J’ai repris en disant: « Monsieur, on reçoit les gens par connaissances, et malgré le fait qu’on soit là depuis 6 heures, on ne nous regarde même pas. »

Il m’a encore coupé la parole et m’a demandé, en me regardant droit dans les yeux et en essayant de m’intimider :

« Maintenant, quelle est ton inquiétude? Tu veux quoi?

Les quelques policiers autour de nous écoutaient et souriaient. J’ai ressenti une grande honte.

C’est là j’ai répondu: « Faites quelque chose pour nous aussi? »

Il m’a juste dit:  » J’ai compris » en tournant son regard. Il s’est éclipsé.

Je suis retourné m’asseoir et j’ai pris mon stylo. C’est ainsi que j’ai écrit ce que je venais de vivre. J’ai eu envie de pleurer.

Que pouvais-je donc faire ? C’était moi contre ce monde injuste, plein de despotisme. La question d’ordre, de mérite, de justice ne faisait clairement pas partie des qualités des représentants des forces de l’ordre, comme on le dit souvent. Ils ne sont rien d’autre que les grands orchestrateurs du désordre. À qui vais-je parler de cette injustice ? La seule personne qui me paraissait confiante m’a déçu. Il s’est retourné contre moi.

Qui aurait pu protester ? Personne. Personne ne voudrait être la cible d’un groupe de policiers aussi solidaires dans leurs actes non conformes.

Heureusement que j’ai mon blog. Au moins, ici je pourrai m’exprimer, essayer de dire à quelqu’un au bon cœur qui le lira mon billet, de faire changer les choses s’il en a le pouvoir, où qu’il soit. Leur faire prendre conscience de ce que j’ai vécu et leur dire de le partager autour d’eux. À moi seule, je ne pourrai pas, et il y a des personnes qui ne me croiront pas.

C’est injuste. La façon dont ils agissaient. Et le pire, c’est une injustice auxquelles les soi-disant représentants de l’ordre s’adonnent. Voir les représentants des forces de l’ordre s’adonner à de telles pratiques était pour moi un coup dur. Et j’ai compris que l’habit est très loin de faire le moine. Je me suis demandé: Si cela en est ainsi juste pour se faire établir une carte d’identité: Qu’en serait t’il dans les autres services? Pour se faire établir sa nationalité, pour rechercher un travail…Qu’en serait-il? Je me le demande…

Serge Frogtéba BAMA

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Commentaires

Armelle Akou Segbefia
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C est vraiment pitoyable, ce à quoi nous sommes obligés de faire face chaque jour. Mais Saches que si nous nous levons, tel que tu l as fait ( je t en félicite d ailleurs Frogtéba) et nous protestons, nos bouches seront sans doute la bouche des malheurs qui n en ont Point. Force à toi. D un jour au lendemain cessera la corruption 💪🏾🇹🇬✨

Serge Frogtéba BAMA
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Merci Armelle pour ton message. Ensemble nous y arriverons.

Aimé
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C'est vraiment dommage cette situation. J'ai vécu moi aussi la même mauvaise expérience. Je voulais aussi me faire renouveler ma carte, en octobre 2022 à sokodé. Il faut noter que l'accueil des gens au commissariat n'y était pas du tout. Ils profitaient encore des affaires de bavettes et de passe COVID pour intimider les gens. La tension était tendue. Personnes n'osait même parler sur le banc. C'est alors qu'un policier s'en aie rendu compte et à commencer à faire quelque blagues. Vers la fin de son discours, il disait de ne pas avoir peur car les forces de l'ordre sont là pour nous, sans nous ils ne seraient pas là.
Et bien évidemment pendant ce moment les gens venait et entraient directement pour se faire faire leur carte,sans même passer par le banc d'attente. Celui qui était chargé de faire les cartes était seul. Du coup c'est à lui de vérifier nos dossiers, voir s'ils sont conformes avant de retourner dans la salle où il va prendre nos photos. Du coup c'était à nous même de nous prendre la taille, ou nous faire aider par un autre ami venu pour faire sa carte aussi. Conséquences, moi ma taille a été majoré d'au moins 5cm car mon ami n'a pas pu lire correctement quand je me suis placé contre la règle. Pendant se moment, il y avait au moins trois autres policier sur place. Ils n'en avaient rien à faire de nous, car ils étaient occupés à discuter entre eux où connectés à Internet via le Wifi gratuit qu'on leur a installé, ils regardaient des vidéos en ligne et riaient, pour d'autres, c'était WhatsApp....
Mais finalement j'ai pu faire le dépôt et je suis parti. Un mois après le dépôt, je suis retourné pour le retrait de ma carte. C'est là le gar me dit que ma carte n'a pas été établie parce que lors du traitement de ma demande, ma photo a été rejetée. C'est là il me demande de m'asseoir immédiatement pour qu'il me prenne une nouvelle photo.
Une certaine rage a parcourue tout mon corps. Mais je savais très bien que je n'étais pas du tout en position de force et quoi que je dise ou face là,tout se retournerait immédiatement contre moi. Or je n'étais même pas préparé à me faire prendre une photo. Ma coiffure était toute bizarre, en plus j'étais dans un pull. Je n'ai pas eu le choix que de me plier à ses ordre. Mais la question qui me brûle aux lèvres et que je n'ai jamais pu lui poser: Pourquoi vous ne m'avez pas prévenu à l'instant où ma photo a été rejetée ?? Vous allez peut être me dire qu'il ne savait pas... Mais c'est faux !! Puisqu'il avait déjà rangé de côté tout les dossiers dont la photo été rejetée, et c'est dans ce lot là qu'il m'a demandé de chercher mon dossier. Et effectivement mon dossier y était.
Pourtant au poste de commissariat, il y'avait un téléphone combiné qu'il pouvait utiliser gratuitement pour m'appeler vu qu'il a déjà mes contacts sur mon dossier. Ou encore me joindre par WhatsApp via le Wifi gratuit mis à leur service. Mais il n'a rien fait du tout. J'avoue que j'ai eu envie de me plaindre, mais où ??
J'en discutais de tout ça avec un ami qui apporta son témoignage aussi. Il disait qu'à son tour dans le même commissariat, il était là très tôt le matin. Et quand leur amis et ami de leur ami arrivaient, on les policiers envoient mon ami (qui était là pour faire sa carte aussi) pour faire les photocopies des dossiers des gens favoris des policiers. Et c'est autour de midi qu'on l'a servi. Mais il fut un temps où un militaire est arrivé aussi pour se faire faire sa carte. Mais celui-ci a pris humblement place sur le banc d'attente pour attendre son tour. C'est alors qu'un des policiers du commissariat s'est mis à le gronder, lui demandant pourquoi il peut faire ça ??
Tout comme si le fait de faire la queue pour attendre son tour est une chose illicite... On l'a pris pour l'amener à l'intérieur pour lui faire sa carte...

J'ai gardé tout ça en moi depuis, sans vraiment avoir l'occasion de m'exprimer. Je penses que aujourd'hui c'est fait. Partout dans le monde l'on se sent rassuré et en sécurité quand il voit un corps habillé, mais dans notre pays le Togo, les forces de l'ordre inspirent plutôt la peur et l'intimidation.

HELAS!!

Aimé
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C'est vraiment dommage cette situation. J'ai vécu moi aussi la même mauvaise expérience. Je voulais aussi me faire renouveler ma carte, en octobre 2022 à sokodé. Il faut noter que l'accueil des gens au commissariat n'y était pas du tout. Ils profitaient encore des affaires de bavettes et de passe COVID pour intimider les gens. La tension était tendue. Personnes n'osait même parler sur le banc. C'est alors qu'un policier s'en aie rendu compte et à commencer à faire quelque blagues. Vers la fin de son discours, il disait de ne pas avoir peur car les forces de l'ordre sont là pour nous, sans nous ils ne seraient pas là.
Et bien évidemment pendant ce moment les gens venait et entraient directement pour se faire faire leur carte,sans même passer par le banc d'attente. Celui qui était chargé de faire les cartes était seul. Du coup c'est à lui de vérifier nos dossiers, voir s'ils sont conformes avant de retourner dans la salle où il va prendre nos photos. Du coup c'était à nous même de nous prendre la taille, ou nous faire aider par un autre ami venu pour faire sa carte aussi. Conséquences, moi ma taille a été majoré d'au moins 5cm car mon ami n'a pas pu lire correctement quand je me suis placé contre la règle. Pendant se moment, il y avait au moins trois autres policier sur place. Ils n'en avaient rien à faire de nous, car ils étaient occupés à discuter entre eux où connectés à Internet via le Wifi gratuit qu'on leur a installé, ils regardaient des vidéos en ligne et riaient, pour d'autres, c'était WhatsApp....
Mais finalement j'ai pu faire le dépôt et je suis parti. Un mois après le dépôt, je suis retourné pour le retrait de ma carte. C'est là le gar me dit que ma carte n'a pas été établie parce que lors du traitement de ma demande, ma photo a été rejetée. C'est là il me demande de m'asseoir immédiatement pour qu'il me prenne une nouvelle photo.
Une certaine rage a parcourue tout mon corps. Mais je savais très bien que je n'étais pas du tout en position de force et quoi que je dise ou face là,tout se retournerait immédiatement contre moi. Or je n'étais même pas préparé à me faire prendre une photo. Ma coiffure était toute bizarre, en plus j'étais dans un pull. Je n'ai pas eu le choix que de me plier à ses ordre. Mais la question qui me brûle aux lèvres et que je n'ai jamais pu lui poser: Pourquoi vous ne m'avez pas prévenu à l'instant où ma photo a été rejetée ?? Vous allez peut être me dire qu'il ne savait pas... Mais c'est faux !! Puisqu'il avait déjà rangé de côté tout les dossiers dont la photo été rejetée, et c'est dans ce lot là qu'il m'a demandé de chercher mon dossier. Et effectivement mon dossier y était.
Pourtant au poste de commissariat, il y'avait un téléphone combiné qu'il pouvait utiliser gratuitement pour m'appeler vu qu'il a déjà mes contacts sur mon dossier. Ou encore me joindre par WhatsApp via le Wifi gratuit mis à leur service. Mais il n'a rien fait du tout. J'avoue que j'ai eu envie de me plaindre, mais où ??
J'en discutais de tout ça avec un ami qui apporta son témoignage aussi. Il disait qu'à son tour dans le même commissariat, il était là très tôt le matin. Et quand leur amis et ami de leur ami arrivaient, on les policiers envoient mon ami (qui était là pour faire sa carte aussi) pour faire les photocopies des dossiers des gens favoris des policiers. Et c'est autour de midi qu'on l'a servi. Mais il fut un temps où un militaire est arrivé aussi pour se faire faire sa carte. Mais celui-ci a pris humblement place sur le banc d'attente pour attendre son tour. C'est alors qu'un des policiers du commissariat s'est mis à le gronder, lui demandant pourquoi il peut faire ça ??
Tout comme si le fait de faire la queue pour attendre son tour est une chose illicite... On l'a pris pour l'amener à l'intérieur pour lui faire sa carte...

J'ai gardé tout ça en moi depuis, sans vraiment avoir l'occasion de m'exprimer. Je penses que aujourd'hui c'est fait. Partout dans le monde l'on se sent rassuré et en sécurité quand il voit un corps habillé, mais dans notre pays le Togo, les forces de l'ordre inspirent plutôt la peur et l'intimidation.

HELAS

Adelaïde Fouejeu Fouebou
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C'est pitoyable tout ça. Ces gens devraient avoir honte. Malheureusement, traiter ainsi les usagers, monnayer les services sont pour eux des actes de bravoure. Puisqu'il se disent intouchables, car il sont dans leur territoire, ils font leur loi. Ce qui n'est pas juste. Ils sont des fonctionnaires d'État, payés pour servir le peuple, et non pour le défier et monnayer les services. Il faut bien que cela change un jour.
Et, le dénoncer ainsi, c'est déjà un début. Les lignes bougeront sans doute, si plusieurs personnes se lèvent comme tu le fais, en dénonçant à travers ton blog.
Courage

Serge Frogtéba BAMA
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Merci beaucoup.

Marcel
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Merci d'avoir dénoncé ce que les gens refusent de dire à haute voie.

Abalo
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Obtenir sa carte d'identité au Togo est vraiment un combat